Reconstruire dans l’entreprise

par | 2 Juil 2024 | Economie – Social - Tech

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Dans une tribune publiée hier dans Le Monde, les deux consultants Antoine Foucher et Jean-Dominique Simonpoli appellent syndicats et entreprises à « retisser les liens avec les salariés ».

Selon eux, « parmi les ressorts qui ont conduit à ce que le vote RN [Rassemblement national] irrigue désormais l’ensemble des classes sociales, partant des classes populaires pour entraîner une partie significative des professions intermédiaires et cadres du public comme du privé, se trouve la question du travail ».

J’ai grandi dans une ville ouvrière. Le matin, Maman emmenait Papa à l’usine en voiture. Elle allait l’y rechercher lorsque la sirène annonçait la pause méridienne. Même chose l’après-midi. Les ouvriers portaient la casquette, les « ingénieurs » et les patrons (on ne disait pas les « cadres ») le chapeau. Un distinguo social au fond assez simple.

Une autre ligne de fracture séparait les catholiques, qui souvent votaient à droite, de ceux que l’on appelait alors les « socialo-communistes », même si nombre de catholiques ralliaient la gauche, chevènementiste ou rocardienne.

Mon père était ce qu’on appelait alors un syndicaliste chrétien, nourri au personnalisme de Emmanuel Mounier. Je pense qu’il aurait aimé que je résume ainsi son « identité ».

Au-delà de cette évocation personnelle, on est fondé à repenser avec nostalgie à cette époque où l’humilité, la solidarité, la bienveillance étaient considérées comme des vertus, plutôt que comme une caractéristique de pauvre type.

Aujourd’hui, nombre de nos compatriotes sont devenus incapables de définir leur identité, y compris au sein de l’entreprise. Ils recherchent alors cette impossible identité qui nous identifierait à un groupe à l’exclusion des autres.

Dans le monde du travail, ils ne redécouvrent leurs syndicats qu’au moment où ils sont touchés à titre individuel ou collectif par une mesure qui les impacte eux, directement, personnellement (licenciement, sanction …).

Quant au pouvoir de direction, il est accaparé, en tous cas dans les grandes entreprises françaises, par des technos issus de la haute administration qui après avoir servi quelques années dans la haute fonction publique, viennent se servir. Il est injuste de dire qu’ils pensent tous pareil : ils pensent d’abord à eux-mêmes.

En janvier 2018, j’avais évoqué ici « le comportement de cette classe dirigeante « méritocratique », si convaincue de sa supériorité ». J’ajoutais : « Initialement fasciné par elle, je sais maintenant que de larges pans de cette « élite » n’ont pas la valeur qu’ils s’attribuent. ».

L’année suivante, ce qui s’appelait encore à l’époque l’ENA ne m’a plus demandé de participer aux jurys d’admission du concours, mais c’est peut-être le fruit du hasard …

Ce qu’emportera le macronisme dans son effondrement, il est encore difficile de le dire. Mais gageons que l’expression populaire résultant des législatives anticipées ne sera pas sans conséquences sur la vie de nos entreprises.

Contrairement à ce qui est souvent affirmé, la question du partage de la valeur ajoutée entre travail et capital ne sera pas la question essentielle, même si la contribution de tous à l’effort commun sera une condition d’un retour, sinon à la concorde, du moins à notre capacité à nous reparler.

Alors pourquoi ne pas commencer dans l’entreprise oui ! Avec les syndicats. Sans angélisme,


Iconographie : Le quartier d’affaires de La Défense, collection personnelle