Bienvenue à Bruxelles

par | 2 Août 2018 | Gouvernement

Cher Monsieur Bannon,

C’était le 24 février 2017, et dans un post sur la dérégulation financière aux Etats-Unis, je vous avais appelé avec un peu de familiarité – pardonnez moi  – « le gars que l’on voit toujours derrière le Président Trump sur les photos ». Vous étiez encore peu connu en Europe à l’époque. J’avais trouvé que çà vous décrivait bien tout en évitant d’évoquer l’impression de suffisance et d’autosatisfaction que vous dégagiez, ce qui aurait été discourtois.

Ne vous méprenez pas sur mon propos : pour moi, un homme qui a servi sept ans dans la US Navy ne peut être foncièrement mauvais. Et je vous écris donc avec le respect que je vous dois pour cette période de votre vie.

On m’a dit que vous aviez rencontré des difficultés de l’autre coté de l’Atlantique ? Indésirable chez les républicains, viré de la Maison Blanche (ce qui est plutôt bien vu ici cela dit) puis de Breitbart News (que les gens peuvent être ingrats !) … Même votre mécène, Madame Rebekah Mercer vous aurait lâché : un désaccord peut-être sur le degré de haine à vouer aux musulmans, aux droits des femmes et des minorités, ou encore aux élites … Peut-être devriez vous en parler à quelqu’un ? Souvent, la détestation des autres et de la différence est tout simplement une détestation de soi vous savez !

Il paraît que Andrew Breitbart vous a comparé à Leni Riefenstahl. Comme vous n’avez pas exactement un physique de danseuse, je suppose qu’il faisait référence au lien de l’artiste avec la propagande du Troisième Reich ?

Bienvenue à Bruxelles en tous les cas ! Vous allez aimer l’endroit, où vous devriez facilement être dans la lumière, ce qui est ce que vous préférez m’a t’on dit. Si vous vous perdez dans les arcanes de la Commission Européenne, n’hésitez pas à appeler Monsieur Barroso, chez Goldman Sachs : il connait bien la Maison et se fera un plaisir de vous introduire. Et puis de façon générale, on aime bien écouter les américains ici. Ils parlent bien anglais et disent donc certainement des choses pertinentes !

Et bonne chance au Think Tank, « The Movement » que vous y lancez. Il paraît que votre premier objectif est d’amener 30% de députés d’extrême-droite au Parlement Européen lors des prochaines Elections Européennes ? Vous me pardonnerez l’usage de ce terme sûrement simplificateur d’ « extrême-droite », mais je ne comprends rien à votre « charabia », alter-droite, « Tea-Party », libertariens …

Pour tout vous dire, je n’ai pas compris d’où vous vient cet intérêt soudain pour le sort de nos peuples européens. Probablement une espèce de vocation ?

Ou bien l’effet de ces multiples coups de foudre : votre rencontre avec l’ « Alternative für Deutschland » aurait été « fascinante », Marion Maréchal serait « électrisante » et sa tante Marine Le Pen « formidable », Matteo Salvini « un modèle à suivre », Viktor Orban un « héros ». Ne rêvez pas trop quand-même : le fascisme européen est vraiment un vieux truc qui ne vous a pas attendu pour se structurer et recuire ses haines. Aux Etats-Unis, vous êtes vraiment des débutants.

Il paraît que vous allez lancer votre propre crypto-monnaie. J’ai toujours pensé que ce truc était avant tout politique (cf. mon post sur le sujet). Pas forcément un truc pour les grands fauves, mais tout à fait adapté aux petits charognards.

Au fond, votre vrai ami, c’est Nigel Farage. Comme-lui, vous avez une vision très claire de l’objectif : mettre l’Europe dans un chaos politique comparable à celui qu’a atteint le Royaume-Uni, de sorte que vous puissiez y développer vos affaires, un peu comme ces fonds vautours qui se nourrissent du malheur des autres. Car il est bien naïf de croire que les « Brexiters » qui ont emmené leur peuple dans le mur sont tous des guignols. Certains d’entre eux savent parfaitement quels sont les intérêts qui les guident : ce sont les leurs.

Allez, sans rancune !


Iconographie : Steeve Bannon accueilli par Marine Le Pen au Congrès du Front National le 10 mars 2018 à Lille © AFP / Getty