La taxonomie de l’UE expliquée

par | 9 Mar 2020 | Finance Durable

La « taxonomie » de l’Union Européenne est un outil qui vise à aider les investisseurs, les entreprises, les émetteurs et les promoteurs de projets à planifier et à communiquer sur la façon dont ils orientent leurs activités vers une économie conforme aux objectifs environnementaux de l’UE.

Les principes de la taxonomie de l’UE

La taxonomie est basée sur le plan juridique sur un accord politique conclu le 17 décembre 2019.

(mise à jour du 19 juin 2020: le texte a été adopté par le Conseill le 10 juin 2020 et approuvé par le Parlement européen le 18 juin 2020.)

Il fixe des seuils de performance (encore appelés critères de sélection techniques ou technical screening criteria en anglais) pour les activités économiques qui :

  • apportent une contribution substantielle à l’un des six objectifs environnementaux suivants: atténuation du changement climatique, adaptation au changement climatique, utilisation durable et protection des ressources marines et en eau, économie circulaire, prévention et contrôle de la pollution, protection et restauration de la biodiversité et des écosystèmes;
  • ne nuisent pas significativement (DNSH pour Do Not Significant Harm) aux cinq autres objectifs;
  • respectent certaines garanties minimales (par exemple, les Principes directeurs de l’OCDE sur les entreprises multinationales et les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme et les huit conventions fondamentales identifiées dans la déclaration de l’Organisation internationale du Travail sur les droits et principes fondamentaux au travail et la Charte internationale des droits de l’homme).

Pour les critères de sélection techniques, le texte demande de prendre en compte la nature et l’ampleur de l’activité économique pour inclure éventuellement des activités « habilitantes » et « transitoires », et prendre en compte l’impact potentiel de telle ou telle classification sur le marché (risque de voir certains actifs devenir des « actifs échoués » « ou risque de bulles sur les investissements «durables »).

La Commission européenne adoptera des actes délégués pour préciser certains éléments :

  • un premier ensemble de critères techniques de sélection, pour les activités qui contribuent substantiellement à l’atténuation ou à l’adaptation au changement climatique, sera adopté d’ici la fin de 2020 et entrera en application d’ici la fin de 2021 ;
  • d’ici le 1er juin 2021, la Commission européenne adoptera un acte délégué précisant comment les obligations d’information de la part des entreprises doivent être appliquées dans la pratique, en distinguant sociétés non financières et financières ;
  • un second ensemble de critères techniques de sélection couvrira les activités économiques contribuant substantiellement aux quatre autres objectifs environnementaux, sera adopté d’ici la fin 2021 et entrera en application d’ici la fin 2022.

Le rapport final du TEG sur la taxonomie de l’UE

Après avoir pris en considération une deuxième série de commentaires, qui a eu lieu à l’été 2019, le TEG a publié aujourd’hui son rapport final sur la taxonomie de l’UE.

Il contient des recommandations relatives à la conception globale de la taxonomie, ainsi que des conseils sur la manière dont les entreprises et les institutions financières peuvent assurer leur communication extra-financière à l’aide de la taxonomie.

Le rapport est complété par une annexe technique contenant une liste complète des critères de sélection techniques (révisés ou supplémentaires) pour les activités économiques qui contribuent à l’atténuation du changement climatique ou l’adaptation à ce changement.

Les critères d’atténuation du changement climatique pour 72 activités économiques ont été mis à jour / achevés. Et pour la première fois, des critères d’adaptation au climat ont été inclus, couvrant 70 activités économiques, s’appuyant sur une évaluation des risques et un plan de gestion des risques. Des critères « Ne pas nuire de manière significative » ont également été ajoutés pour l’atténuation du changement climatique.

La taxonomie élargie couvre désormais des activités dans des secteurs qui produisent 93% des émissions de l’Europe, y compris des activités telles que la production d’électricité, les transports urbains, l’agriculture et la cimenterie.

Le TEG est un organisme temporaire dont la durée a déjà été prolongée à de nombreuses reprises. Il devrait être dissous en septembre. Après la publication de ce rapport final, le TEG continuera de fonctionner à titre consultatif jusqu’à ce que la nouvelle Plateforme pour la Finance Durable – un organe permanent créé par le règlement Taxonomie – soit opérationnel.

Et ensuite ?

En fait, le mandat du TEG était uniquement de considérer les quatre objectifs environnementaux (prévention et contrôle de la pollution, utilisation et protection des ressources en eau et marines, économie circulaire, et protection et restauration de la biodiversité et des écosystèmes) dans le contexte d’éviter des dommages importants.

Une évaluation complète des activités économiques susceptibles de contribuer de manière substantielle à un ou plusieurs de ces quatre objectifs sera achevée par cette « Plateforme pour la Finance Durable » qui reste à établir.

En outre, un « groupe d’experts des États membres » contribuera à titre consultatif.

Une fois entièrement développée, la taxonomie de l’UE devra être utilisée par:

  • Les États membres et l’Union européenne lorsqu’ils affirment que leurs mesures, normes ou labels publics concernant les produits financiers ou les obligations d’entreprises proposés par les acteurs ou émetteurs des marchés financiers sont durables d’un point de vue environnemental.
  • Les acteurs des marchés financiers lorsqu’ils proposeront des produits financiers seront tenus de divulguer des informations sur la manière dont les investissements qui contribuent à leurs produits répondent aux critères de durabilité environnementale, au sens du règlement taxonomie. Pour les produits qui n’investissent pas dans des activités conformes à la taxonomie, le participant au marché financier devra déclarer que les investissements concernés ne tiennent pas compte du règlement de l’UE sur la taxonomie. Il peut y avoir des financements qui, ne répondant pas aux critères de sélection, aient un effet positif en termes d’environnement, mais ils ne seront pas, en référence aux critères de taxonomie, considérés comme « durables ».
  • Les sociétés financières et non financières lorsqu’elles relèvent du champ d’application de la directive sur les informations extra-financières (NFRD) : elles devront divulguer des informations sur la façon dont les activités de l’entreprise sont associées à des activités économiques durables sur le plan environnemental en se référant à la taxonomie. Ces obligations seront précisées dans un acte délégué, qui sera adopté en 2021 (voir ci-dessus).

Les États membres, l’Union européenne et les acteurs du marché concernés devront se conformer à ces exigences à partir de décembre 2021.

 width=

Source: Commission européenne

Les entreprises qui exercent des activités non encore couvertes par la taxonomie pourraient compléter leur communication par une explication selon laquelle leurs activités ne sont pas encore couvertes par la taxonomie – par opposition à leur incapacité à satisfaire aux critères de sélection techniques. Le TEG estime que c’est un signal important que les entreprises peuvent envoyer.

Ce système de classification peut également être utilisé sur une base volontaire par tout autre acteur du marché, autre que ceux visés par la directive sur le reporting extra-financier. Ce système devrait aider les entreprises à lever des fonds pour des activités durables, en les incitant à publier le pourcentage de leur chiffre d’affaires ou de leurs investissements en ligne avec la définition des activités durables sur le plan environnemental.

Par exemple, les entreprises qui ne sont pas tenues de publier un état non financier, comme les PME, peuvent décider de publier des informations sur leur site Web concernant leur alignement sur le règlement taxonomique. Cela pourrait aider à lever des fonds pour les investissements concernés.

Ce système ne remplacera pas nécessairement les politiques de durabilité déjà en place dans les entreprises. Mais il sera plus facile pour les entreprises ayant ces politiques de durabilité de lever des fonds pour leurs projets si elles répondent aux critères énoncés dans la taxonomie.

NB: Deux articles liés: « Cà doit être green ! Ok ? » (31 janvier 2018) et La révision de la Directive sur le Reporting Extra-financier (22 février 2020)


Iconographie: vitrine de la taxonomie biface, Musée de l’Homme, Paris, collection personnelle