Ceux sur le bord du chemin

par | 16 Déc 2018 | Economie – Social

Dans ma chronique du 1er janvier, j’avais évoqué mes origines belfortaines, et cette nostalgie d’un temps où « l’humilité, la solidarité, la bienveillance étaient considérées comme des vertus, plutôt que comme une caractéristique de pauvre type » … 

Des « Gilets Jaunes », je ne partage pas les difficultés. J’ai été écoeuré par le degré de haine et de violence qu’ils ont souvent exprimé. J’exècre le complotisme de certains d’entre-eux.

Mais beaucoup d’aspects du mouvement m’ont paru familiers, me ramenant à des souvenirs d’enfance, les piquets de grève devant l’usine Alsthom occupée (oui, il y avait un « h » à l’époque), la solidarité d’une ville ….

Même si mes concitoyens ont une sensibilité aiguë, et particulière, sur le sujet des inégalités, l’angoisse qu’exprime ce mouvement n’est pas spécifiquement française. Elle s’étend en vérité à l’ensemble du monde développé où partout, une proportion significative de la population a le sentiment d’avoir été oubliée, sacrifiée, déclassée, sur l’autel de la mondialisation.

A quelques mois des élections européennes, ce mouvement nous rappelle utilement que le projet européen doit inclure toutes et tous, et ne laisser personne sur le bord du chemin

Le traité de Lisbonne ne se désintéresse pas de la justice sociale.  L’article 3 du Traité de l’Union Européenne (TUE) indique désormais que l’Union combat « l’exclusion sociale et les discriminations, et promeut la justice et la protection sociales, l’égalité entre les femmes et les hommes, la solidarité entre les générations et la protection des droits de l’enfant ». Il fait également référence à « une économie sociale de marché hautement compétitive », qui tend « au plein emploi et au progrès social ».

L’article 151 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) précise les objectifs de l’Union en la matière : « la promotion de l’emploi, l’amélioration des conditions de vie et de travail, permettant leur égalisation dans le progrès, une protection sociale adéquate, le dialogue social, le développement des ressources humaines permettant un niveau d’emploi élevé et durable et la lutte contre les exclusions »

L’article 9 du TFUE introduit surtout une « clause sociale horizontale » prévoyant une prise en compte dans la définition et la mise en œuvre des politiques communes des « exigences liées à la promotion d’un niveau d’emploi élevé, à la garantie d’une protection sociale adéquate, à la lutte contre l’exclusion sociale, ainsi qu’à un niveau élevé d’éducation, de formation et de protection de la santé humaine ».

Tout ceci reste lointain pour nos concitoyens.

Pourtant, des politiques publiques ont déjà été mises en place, qui vont dans le bon sens. Je pense par exemple à ce qu’on appelle le « socle social européen » qui donne aux citoyens des droits nouveaux et plus efficaces autour de trois thématiques : (i) égalité des chances et accès au marché du travail ; (ii) conditions de travail équitables ; (iii) protection sociale et inclusion sociale.

Le socle européen des droits sociaux a été approuvé conjointement par le Parlement européen, le Conseil et la Commission le 17 novembre 2017, lors du sommet social pour des emplois et une croissance équitables organisé à Göteborg en Suède.

La plupart des outils nécessaires à la réalisation du socle sont entre les mains des États membres, des partenaires sociaux et de la société civile. Mais les institutions de l’Union européenne – et la Commission européenne en particulier – peuvent aider en fixant le cadre et en montrant la voie à suivre.

C’est dans cet esprit qu’a été mis en place, sur le site de la Commission un tableau de bord social qui permet de surveiller la déclinaison de cette politique et d’analyser les tendances et performances observées dans les pays de l’UE répartis en 12 zones, analyse qui alimentera le semestre européen de la coordination des politiques économiques.

Ces outils technocratiques ne suffiront pas à convaincre. L’Europe doit aller plus vite et plus loin pour mettre en oeuvre des politiques publiques protectrices réellement impactantes. Compte tenu des compétences conservées par les Etats membres sur nombre des sujets qui en relèvent, ceci devra se faire par des coopérations renforcées, essentiellement au sein de la zone Euro, et non à vingt-sept.

Le débat européen ne peut se désintéresser de la question de la justice sociale. Les postures démagogiques de ceux qui critiquent l’Europe matin midi et soir ne répondent en rien à l’attente des citoyens. Leur bilan au Parlement européen ces dernières années parle d’ailleurs de lui-même : ils n’ont rien fait tout simplement.

A d’autres voix de porter ce sujet.


Iconographie : un rassemblement de Gilets jaunes à Caen, le 18 novembre 2018. @ Charly Triballeau / AFP